Samedi 23 novembre, un jury américain a condamné l’Agence France- Presse (AFP) et l’agence Getty à verser conjointement 1,22 million de dollars (plus de 900 000 euros) de dédommagement au photojournaliste Daniel Morel pour avoir « volontairement » violé ses droits d’auteur.

En janvier 2010, les deux agences avaient diffusé à leurs clients, sans l’autorisation préalable du photographe, ses images du tremblement de terre à Haïti, qu’il avait postées sur Internet, par le biais du site Twitter.

L’histoire remonte au 12 janvier 2010, lorsqu’un tremblement de terre secoue l’île d’Haïti, causant 200 000 morts. Le photographe haïtien Daniel Morel, 59 ans, ancien correspondant de l’agence Associated Press, est l’un des rares a avoir pris des clichés du drame. Il crée alors un compte sur le site Twitpic, qui permet de partager des photos et y place treize de ses images et s’en fait l’écho sur Twitter – avec l’idée de les vendre.

DIFFUSION SANS PERMISSION Un internaute de République dominicaine, Lisandro Suero, se les approprie et les met sur son propre compte. C’est là que l’AFP les découvre. L’agence en récupère huit et les distribue à tous ses clients, sous le mauvais nom – Lisandro Suero. Elles font ensuite le tour de la presse mondiale, dont Le Monde. L’agence Getty, qui a un partenariat avec l’AFP, les distribue à son tour à tous ses abonnés.

Le photographe va ensuite se retourner contre les médias qui ont diffusé ses images sans permission. Il engage une avocate new-yorkaise et négocie un arrangement avec nombre d’entre eux. Mais pas Getty ni l’AFP – cette dernière va porter plainte contre M. Morel pour procédure abusive, arguant que le photographe, en utilisant Twitter, avait implicitement cédé ses droits sur ses images.

A l’issue d’une première procédure en janvier la justice américaine avait déjà jugé les deux agences coupables de violation du droit d’auteur. Restait à statuer sur le caractère volontaire de l’infraction, ainsi que sur le montant des dommages et intérêts accordés au photographe. Après sept jours de procès, le verdict est tombé, sévère.

Le tribunal a non seulement jugé que l’infraction avait été volontaire, mais il a accordé au photographe les indemnités maximales possibles, soit 150 000 dollars par image. Il a aussi conclu que les agences avaient contrevenu au Digital Millennium Copyright Act (loi du millénaire sur le droit d’auteur numérique) et accordé 20 000 dollars à ce titre au photojournaliste.

Cette affaire met en exergue le flou qui a accompagné la montée en puissance des réseaux sociaux, qui voient aujourd’hui circuler chaque jour des millions d’images, sachant que de plus en plus de photographes professionnels utilisent les réseaux.


Source: Le Monde