Nous avons tous pu lire, dans un journal ou un livre, l’énigmatique mention « DR », accolée à une photographie publiée, à la place du crédit du photographe auteur.

Ces dernières années l’on a pu constater une démultiplication de ladite mention, surtout sur internet, mais aussi sur les supports publicitaires, voire dans certaines publications de presse.

L’acronyme, signifiant initialement « droits réservés », est devenu la bête noire des associations de photographes, lesquels ont manifesté et exprimé leurs inquiétudes affublés de gilets jaunes « DR » aux festivals photos d’Arles et de Perpignan.

Le Ministère de la Culture les a reçus en février dernier, lequel a initié un rapport de réflexion sur l’avenir du photojournalisme.

Pour mémoire, initialement : « Cette appellation visait à protéger les photographes, » explique Frédéric Buxin, président de l’Union des photographes professionnels (UPP). Mais DR est devenu synonyme de « droit à rien ». » En effet, originairement, comme le rappelle Olivier Brillanceau, directeur de la Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (SAIF), cette mention était utilisée de façon exceptionnelle pour les œuvres dites orphelines : « Lorsqu’un éditeur de presse ou de livre n’arrivait pas à identifier l’auteur d’une image et souhaitait quand même la publier, il indiquait avec « DR » qu’il mettait l’argent de côté en attendant de le retrouver. Mais c’est devenu une facilité éditoriale. » Car, généralement, l’auteur de l’image n’est jamais retrouvé.

La situation s’est aggravée ces dernières années, avec la multiplication des mentions DR pour des oeuvres pourtant bien repérées. La célèbre photo de Marc Riboud, montrant une jeune fille qui proteste avec une fleur contre la guerre du Vietnam, en 1967 à Washington, a été publiée par le quotidien Midi libre, en juillet 2009, sous la mention DR. « C’est l’agence Magnum qui m’a alerté. On s’est arrangés avec Midi libre, ils ont payé sans discuter, explique le photographe. Mais je ne peux pas courir après toutes mes photos ! »

D’autres photographes moins connus ont été victimes du DR. A titre d’illustration Cédric Girard, spécialisé dans les photos animalières et de nature, envisage d’aller en justice contre un magazine sur les chats, Chats d’amour, qu’il accuse d’avoir récupéré vingt-six de ses photos sur son site pour les publier sans autorisation – ni paiement. Il a aussi retrouvé ses photos dans un magazine belge et sur les sites Internet de journaux en ligne tels que Metro. Cette attitude de déni des droits d’auteurs a explosée et connaît sa consécration sur Internet, où les images peuvent être transmises et copiées d’un simple clic, mais aussi dans la presse, dont les budgets photo se réduisent en raison de difficultés financières.

Cette normalisation d’une culture de la gratuité teintée d’absence totale de la déontologie fait des ravages chez les photographes et induit une dévalorisation de leurs œuvres (même quand ces dernières sont acquises « légalement »).

Reste à attendre une réaction du législateur, qui au-delà des qualifications de contrefaçon qui , heureusement, subsistent, pourrait consister en une licence globale sur l’exploitation de ces œuvres soi-disant « orphelines ».  A suivre …


Source : Le Monde – Claire Guillot